Nutrition et cancer du sein

L’alimentation et la vie sont intimement liées. Le cancer, en touchant profondément la vie des patientes, génère des peurs liées à la maladie et aux traitements.

Lorsque la santé est menacée, de nombreuses questions surviennent sur la relation entre le cancer et l’alimentation à cause de son impact sur les traitements, sur le choix et la tolérance aux aliments et sur la place d’un soutien nutritionnel pour prévenir les récidives.

La prise en charge diététique (PECD) occupe un rôle important dans la prise en charge oncologique multi disciplinaire. L’objectif est d’optimiser la réponse et la tolérance aux traitements oncologiques et de préserver l’état nutritionnel qui est indissociable de l’intégrité de l’état physique et de la qualité de vie.

En oncologie générale, les recommandations des diverses sociétés savantes explicitent les différents points clés de la prise en charge nutritionnelle. Cependant, peu de recommandations sont consacrées précisément au cancer du sein. Dans le cadre d’un cancer de sein, la PECD demande une expertise assez spécifique qui combine souvent les recommandations en oncologie générale avec les recommandations des diverses sociétés savantes concernant les comorbidités de chaque patiente (maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, hypersensibilité alimentaire etc).

La PECD des patientes atteintes d’un cancer de sein est personnalisée et est fondée sur:

  • Les recommandations en oncologie générale des diverses sociétés savantes dont celles de la Société française de nutrition clinique et métabolique (SFNCM), du World Cancer Research Fund (WCRF)/ American Institute for Cancer Research (AICR), du Réseau Nutrition Activité physique Cancer Recherche (NACRe), de l’European Society for Clinical Nutrition and Metabolism (ESPEN), de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) ;
  • Les effets secondaires (ES) spécifiques aux traitements oncologiques ;
  • Les besoins informationnels de la patiente ;
  • Les habitudes alimentaires, la religion, le mode de vie.

Tous ces points clés se rejoignent pour une PECD personnalisée qui intègre plusieurs consultations diététiques :  avant/au début/pendant/après la chimiothérapie (CT):

1. Les consultations avant/au début de la CT ont plusieurs objectifs:

a. évaluation nutritionnelle détaillée :

  •  mesures anthropométriques, histoire pondérale de la patiente, habitudes de vie (alcool, tabac, activité physique), résultats de la prise de sang, maladies adjacentes ;
  • évaluation de l’appétit, des ingesta, d’hydratation ; mode de vie, religion, régimes alimentaires, croyances etc

b. diagnostic nutritionnel : dépistage systématique de la dénutrition

c. intervention nutritionnelle : l’enseignement nutritionnel et les conseils diététiques en fonction de l’évaluation, des traitements oncologiques et des recommandations en termes d’équilibre alimentaire tout en essayant de respecter les contraintes sociales et environnementales du patient.

Les sujets abordés: interactions entre l’alimentation et les médicaments ; hydratation ; besoins en protéines et leur sources alimentaires , gestion du poids et le maintien du poids durant toutes les étapes du traitement, l’impact des traitements oncologiques sur les globules blancs, sur les globules rouges sur le tube digestif et les mesures hygiéno-diététiques afférentes ; bénéfices de l’activité physique adaptée .

2) Les consultations pendant la CT : les interventions diététiques sont orientées en fonction des effets secondaires de la CT, de l’évolution de l’état nutritionnel, des résultats de la prise de sang, du projet oncologique .

Objectifs : mieux gérer les ES pour avoir une bonne qualité de vie, maintenir un bon état nutritionnel, la gestion pondérale, éviter les dérives à l’origine de comportements à risques.

Lors des différentes rencontres, nous sommes constamment sollicitées pour répondre aux nombreuses questions des patientes, dont certaines concernent la consommation des sucres et le cancer, la consommation de viande rouge et cancer, la consommation de compléments alimentaires ou d’aliments « miracles », le soja et phytoœstrogènes, le jeûne thérapeutique et différents régimes alimentaires restrictifs.

3) Les consultations après la CT : en fonction de la demande et de la corpulence de la patiente nos objectifs : gestion pondérale et réconciliation avec une alimentation équilibrée tout en abordant des facteurs qui ont un impact positif au changement d’hygiène de vie.

L’importance de la gestion pondérale durant toutes les étapes du traitement

Prise de poids
Après le diagnostic d’un cancer du sein, la prise de poids est courante mais mal comprise, peu importe le type de cancer, les traitements oncologiques et l’âge de la patiente. Cette prise de poids a été documentée et démontrée dans plusieurs études sans déterminer le mécanisme.

Le traitement de chimiothérapie a été considéré comme un facteur contributif important en raison de la réduction du métabolisme de base résultant de l’insuffisance ovarienne induite par les traitements et de l’apparition rapide de la ménopause, ainsi que de la réduction de l’activité physique après le diagnostic.

Malheureusement, ces gains de poids ont également tendance à s’accompagner de changements défavorables dans la composition corporelle: des gains de masse grasse, en particulier de graisse centrale et d’une diminution de la masse musculaire et réduction de la force musculaire.

Le surpoids et l’obésité sont associés à d’autres comorbidités, à une altération de l’image corporelle qui s’ajoute à celle provoquée par la chirurgie, à une estime de soi réduite et à un risque accru de récidive du cancer. Ils favorisent également le développement de maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires ou le diabète.

Quel que soit le mécanisme, la prise de poids reflète un déséquilibre entre l’apport énergétique et la dépense énergétique.

Perte involontaire de poids – la dénutrition
Les patientes atteintes d’un cancer du sein sont moins touchées par une perte involontaire du poids qui représente un facteur de mauvais pronostic avec une diminution de la survie et de la qualité de vie. La dénutrition se caractérise par une perte de poids, en particulier une perte de masse musculaire, associée à une perte de fonction musculaire. Son origine est le plus souvent la combinaison d’un défaut d’apports alimentaires en lien avec les effets secondaires des traitements et un syndrome inflammatoire qui favorise le catabolisme, en particulier la dégradation des protéines dans le muscle squelettique. Nous utilisons les critères diagnostiques de la dénutrition recommandés par la HAS 2019 et 2021.

En conclusion , tout au long de notre accompagnement, on vise à construire une relation de confiance avec la patiente, on l’accompagne et on la soutient en lui donnant des conseils pour adapter son alimentation avec le but d’optimiser sa tolérance aux traitements oncologiques et d’avoir une bonne qualité de vie.

Florentina Sirbu, diététicienne en oncologie, site Delta