Tribune Libre: Bruno Lefébure: « Cette fois-ci j’en ai marre! »

Récemment, Jean Hermesse, secrétaire général des Mutualités chrétiennes et administrateur des Cliniques universitaires Saint-Luc, a encore tenu des propos totalement déplacés vis-à-vis du Chirec dans un grand journal économique belge. « Je n’ai pas l’habitude de me répandre dans la presse, mais cette fois-ci, j’en ai marre, ces propos sont inacceptables et totalement injustifiés. »
En effet, Jean Hermesse pose la question « Est-il normal d’injecter de l’argent public dans le nouvel hôpital du Chirec, qui se vante d’offrir 50% de chambres individuelles et de pratiquer des honoraires de 300%? » Le Chirec, concerné par cette question, souhaite y répondre à travers plusieurs axes de réflexion.
Le Chirec compte aujourd’hui cinq sites hospitaliers dont quatre à Bruxelles et un dans le Brabant wallon, ainsi que deux polycliniques dans la capitale. Le Chirec passera de cinq à trois sites en 2017:
·         Un nouvel hôpital sur le site Delta (regroupant les activités hospitalières des cliniques Edith Cavell et Parc Léopold).
·         La clinique Ste-Anne St-Remi à Anderlecht.
·         L’hôpital de Braine-l’Alleud – Waterloo.

Nous soignons tout le monde. De nombreux patients sont admis par les urgences 35% et sont donc soignés aux tarifs Mutuelles strictes. La législation permet à tous de se faire soigner aux tarifs Mutuelles strictes quand ils sont hospitalisés en chambre à deux lits. Ce qui est le cas de 64% de nos patients.
Quand on parle du Chirec, celui-ci n’est évidemment pas que le site de Cavell mais comprend également la Clinique du Parc Léopold (Etterbeek), la Clinique de la Basilique (Ganshoren), la Clinique Ste-Anne St-Remi (Anderlecht) et l’Hôpital de Braine-l’Alleud – Waterloo (Braine-l’Alleud). Les Cliniques de la Basilique et de Ste-Anne St-Remi ainsi que l’Hôpital de Braine-l’Alleud sont loin d’être implantés dans des communes privilégiées. La mutualité Chrétienne constate que 10% de leurs affiliés sont bénéficiaires de l’intervention majorée (statut BIM ex-VIPO). Au Chirec, 22% de nos patients bénéficient de ce statut.
Nos hôpitaux sont tous raccordés au service 100. Nous fournissons déjà un service SMUR sur l’Hôpital de Braine-l’Alleud et bientôt sur notre nouvel hôpital sur le site Delta.
Les suppléments d’honoraires sont plafonnés à 300% en chambre particulière et sont justifiés. Il bénéficie de soins personnalisés. A titre d’exemple, lors d’un accouchement, la patiente sera accouchée par le gynécologue qui l’a suivie, de nuit comme de jour, et pas par le gynécologue de garde. Le patient a le numéro de gsm du médecin et peut le contacter quand il le veut. Le patient en chambre commune a les mêmes soins et la même infirmière mais la disponibilité de son médecin n’est pas nécessairement la même.
Dans un contexte socio-économique particulièrement difficile, seuls 40% des hôpitaux sont encore en équilibre. Plus précisément, les hôpitaux universitaires qui disposent d’un très bon prix de journée, les hôpitaux qui facturent des suppléments d’honoraires, certains hôpitaux publics qui reçoivent des subsides complémentaires, ou encore certains hôpitaux où les patients sont dirigés par certaines Mutuelles… Or la loi est la même pour tous et, par conséquent, le droit aux subsides aussi. Pour M. Hermesse, il est « normal » que la loi ne s’applique qu’à certains.
Ceci n’est que le reflet du mal qui ronge le pays depuis de nombreuses années. La programmation des soins n’a pas été faite en fonction des besoins des patients mais plutôt en fonction des clivages historiques de notre pays, d’ordre public et privé, linguistique, confessionnel ou non confessionnel, régional ou encore communautaire, et dans le cas présent, dans l’intérêt lié aux Mutuelles, et plus particulièrement des Mutualités chrétiennes.
Il est certain que, si les différents lobbys continuent à demander, de manière dogmatique, de financer les hôpitaux universitaires de la même manière que les hôpitaux généraux, d’interdire que les hôpitaux publics reçoivent des subsides « complémentaires » des régions ou des communes, d’interdire les suppléments d’honoraires en chambre particulière, de diminuer le financement des rares activités « trop bénéficiaires », en oubliant qu’elles compensent le sous-financement de nombreuses autres, d’interdire aux hôpitaux de négocier avec leurs fournisseurs, ou encore de revoir fondamentalement le rôle des Mutuelles… Quand ces lobbys auront donc réussi à mettre tous les hôpitaux en déficit, à diminuer fortement les revenus des médecins hospitaliers, à épuiser le personnel soignant,… nous aurons un système de soins de santé avec des hôpitaux vétustes n’ayant plus les moyens de renouveler les infrastructures ni les équipements. Les médecins les plus renommés, les plus innovants, les plus efficaces, les plus compétents auront été débauchés par des hôpitaux étrangers.
Le personnel soignant sera totalement démotivé. Le système de soins de santé aura donc été tiré au plus bas et le patient en sera finalement la principale victime.
Si je m’exprime sur les Mutuelles Chrétiennes, c’est parce que celles-ci s’expriment sur les hôpitaux et nous ciblent systématiquement depuis des années. Ceci doit cesser.
Les Mutuelles sont incontestablement présentes dans les organes de direction de certains hôpitaux. N’y-a-t-il pas dès lors conflit d’intérêts ? Finalement, adoptent-elles une position comme représentantes des patients ou bien pour protéger leurs intérêts économiques ? Qu’en est-il vraiment ? Ne sont-elles pas orientées politiquement ? A titre d’exemple, Jean Hermesse s’exprime-t-il en tant que porte-parole des Mutualités chrétiennes ou bien en tant que porte-parole des hôpitaux dans lesquels celles-ci détiennent des mandats de gestion? Est-il dès lors normal de demander l’octroi des subsides pour ses propres hôpitaux? Pourquoi pas dans d’autres hôpitaux ? Pourquoi pas au Chirec ?
Sortis de leur contexte, les chiffres peuvent perdre beaucoup de leur sens. Les Mutualités chrétiennes publient chaque année un baromètre des hôpitaux, c’est éthiquement inacceptable, tant qu’elles sont impliquées dans la gestion de certains hôpitaux. Comment peut-on se permettre d’être juge et parti en publiant un tel baromètre ?
Pointer le Chirec pour ses suppléments d’honoraires de 300% alors que de nombreux hôpitaux universitaires ou non universitaires pratiquent le même niveau de suppléments d’honoraires est un peu surprenant. De la même manière, pourquoi parler du nombre de chambres particulières prévues pour le nouvel hôpital sur le site Delta ? En effet, tous les hôpitaux récemment construits ont augmenté leur proportion de chambres particulières. Le Chirec, comme les autres hôpitaux, ne fait que tenir compte de la demande des patients ne souhaitant plus être hospitalisés en chambre commune. Un hôpital qui construit 50% de chambres particulières hospitalisera seulement 33%  de ses patients en chambres particulières et 66% de ses patients en chambres à deux lits.
Personne n’a accès aux finances des Mutuelles. Qui a regard sur leurs comptes, mises à part les Mutuelles elles-mêmes? Quelle part du budget est consacrée au traitement du remboursement ? Cela ne devrait-il pas être clair pour tous ? Contrairement aux comptes des hôpitaux qui sont publiés… A partir du moment où les hôpitaux doivent fournir l’état de leur compte et les rendre accessibles à tous, les Mutuelles ne devraient-elles pas faire de même ? La transparence financière des organismes assureurs ne devrait-elle pas être exigée ?
Il apparaît clairement que Jean Hermesse, homme du passé, aime semer la zizanie entre les différents hôpitaux du pays. Son action va à l’encontre de la volonté des gestionnaires d’hôpitaux qui tentent d’organiser des collaborations entre hôpitaux afin d’améliorer la qualité des soins prodigués aux patients tout en respectant les contraintes financières de l’Etat. Car finalement qu’un hôpital soit d’ordre public ou privé, linguistique, confessionnel ou non confessionnel, régional ou encore communautaire, leur point commun n’est-il pas de se centrer sur le patient ? Ne devrait-on pas plutôt encourager leurs collaborations, les aider à améliorer leurs relations au lieu de les détériorer? Quel est l’essentiel finalement ?… A titre d’exemple, le Chirec a développé de nombreuses collaborations avec d’autres hôpitaux, telles que la génétique, la Stroke Unit et la prise en charge de Post Gradués avec Erasme, la cardiologie avec l’UZ-VUB et le Brussels Heart Center (BHC), le service SMUR avec le centre hospitalier Etterbeek-Ixelles et l’hôpital St-Jean, le PET-scan avec la clinique Ste-Elisabeth et St-Jean, la biologie clinique avec St-Jean,… D’autres collaborations sont actuellement en cours de négociation, notamment celles avec le laboratoire d’anatomopathologie de l’hôpital Erasme et du CHU de Tivoli.
La démarche de Jean Hermesse va donc incontestablement à l’encontre du projet de réforme du secteur proposé par la ministre Maggie De Block. En réalité, M. Hermesse utilise une des plus vieilles techniques au monde… « diviser pour mieux régner ».

Bruno Lefébure
Directeur Général Administratif & Financier CHIREC

> Revoir l’interview vidéo de Bruno Lefébure

 

Une réflexion sur « Tribune Libre: Bruno Lefébure: « Cette fois-ci j’en ai marre! » »

  1. Excellente réponse.
    J’ajouterai dans la rubrique des conflits d’intérêt : Est-il normal qu’un organisme mutuelliste puisse gérer des deniers publics et proposer des assurances privées « à vil prix » ? Avec quel argent se font les remboursements à charge de l’assurance complémentaire ? On comprend ainsi ceux qui ont intérêt à réduire ces remboursements.

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