Nouveautés en gastro-entérologie: traitement précoce des tumeurs digestives

Une nouvelle technique venue du japon permet par voie endoscopique d’intervenir de façon précoce et efficace sur les tumeurs superficielles du tube digestif. L’hôpital Delta a la chance de compter dans ses rangs un nouveau spécialiste en la matière!

La médecine ne cesse d’évoluer et les techniques développées de l’autre côté de la planète finissent par traverser les océans! Un exemple récent? La dissection sous-muqueuse endoscopique nous est arrivée du Japon.

L’intérêt de cette technique par voie endoscopique est double. Tout d’abord, les tumeurs superficielles du tube digestif sont connues pour évoluer, souvent de façon asymptomatique, vers un cancer invasif. Le bénéfice d’un traitement précoce est largement démontré. Ensuite, le traitement habituel étant le plus souvent chirurgical, il va de pair avec un risque plus élevé de morbi-mortalité et demeure plus invasif. Les recherches et leurs expériences ont conduit les endoscopistes japonais vers une alternative réputée aujourd’hui pour être aussi efficace: la résection mini-invasive par voie endoscopique (ou ESD, Endoscopic Sub-mucosal Dissection). Certains diront qu’il s’agit de procédures trop longues et inadaptées à notre système de soins de santé. Cela reste, bien entendu, très discutable, en considérant le pronostic souvent catastrophique des cancers digestifs invasifs.

Peu de gastro-entérologues pratiquent cette technique
Les Japonais ont appris à détecter, caractériser et traiter ces lésions précancéreuses et les tumeurs débutantes ou intramuqueuses. Aujourd’hui, en Belgique, peu de gastro-entérologues pratiquent cette technique. «Il faut s’être exercé sur des modèles animaux et avoir suivi la formation spécifique vu le haut degré de technicité endoscopique requis» explique le Dr Sébastien Debroux, formé à la dissection sous-muqueuse par le Pr Yahagi ainsi que pendant des stages pratiqués dans les grands centres européens.

Les premières étapes se pratiquent donc in vitro puis in vivo sur le modèle porcin présentant des caractéristiques communes avec le tube digestif de l’homme. Ensuite, l’intervenant commencera sa pratique sur l’homme par des lésions relativement aisée à réséquer, de préférence au niveau de l’antre gastrique et du rectum. Par la suite, selon sa dextérité, des lésions plus complexes pourront etre abordées comme les lésions coliques.

La pratique de cette technique dans les pays occidentaux est plus récente mais aussi plus limitée. La raison principale est l’incidence plus faible des cancers gastriques précoces en comparaison avec la population japonaise. Il faut également tenir compte que le centre national du cancer de Tokyo (NCCH) a instauré un dépistage systématique du cancer de l’estomac à partir de l’âge de 40 ans. Malgré ces limitations en nombre de ce type de résection, les études européennes renforcent les arguments de sécurité et d’efficacité attribués à cette technique lorsqu’elle est pratiquée par des mains expérimentées après un bilan loto-régional aussi précis que possible.

De nouveaux endoscopes haute définition avec coloration virtuelle
Il est capital d’identifier les patients considérés comme à risque de cancer et de leur faire bénéficier de colorations systématiques à la recherche d’anomalies uniquement visibles après coloration.

Les nouveaux endoscopes dont nous disposons actuellement à Delta intègrent la nouvelle technologie haute définition avec coloration virtuelle.

Le programme de dépistage du cancer colorectal mis en place par la communauté est un véritable enjeu de santé publique. Cela offre aux gastroentérologues l’opportunité d’intervenir au stade précoce de développement de lésion précancéreuse. Cette maladie est traitable et guérissable dans plus de 90% si elle est détectée tôt. Il s’agit donc de traquer les précurseurs de cancer que sont les dysplasies et les cancers intra muqueux. Ces lésions sont souvent asymptomatiques et ne peuvent être détectés que par endoscopie.

La technique de résection endoscopique
Les techniques actuelles de résection endoscopique visent à réséquer la muqueuse et la sous-muqueuse superficielle mais pas plus profond en raison d’un risque plus élevé de métastases ganglionnaires. La résection a remplacé les méthodes de destruction (laser, argon) et son principal avantage consiste en la qualité du spécimen récolté pour l’analyse histologique.

Le principe de la résection endoscopique est d’injecter un liquide dans la sous-muqueuse afin de séparer la muqueuse de la musculeuse et de pouvoir réséquer les couches superficielles sans perforer la musculeuse. La section au travers du coussinet sous-muqueux artificiel peut être réalisée à l’aveugle (résection muqueuse endoscopique ou Endoscopic mucosal resection, EMR) à l’aide d’une anse électrochirurgicale ou par dissection pas à pas (dissection sous-muqueuse endoscopique ou Endoscopic submucosal dissection, ESD) à l’aide de couteaux et d’une source de courant electrochirurgical.

Le taux de récidive est plus faible
Techniquement et carcinologiquement, c’est donc la profondeur de l’invasion tumorale qui peut limiter la résecabilité d’une lésion. Cette profondeur est évaluée par la chromo-endoscopie (endoscopie utilisant des colorants vitaux ou une coloration «virtuelle») et par l’écho-endoscopie en fonction de la localisation de la lésion. Ces techniques peuvent être combinées dans les cas difficiles pour juger de la résecabilité d’une lésion. La dissection sous-muqueuse endoscopique (ESD) permet la résection «en bloc» de larges lésions qui, avec les techniques précédentes comme la résection muqueuse endoscopique (EMR) nécessitaient des résections morcelées. Le taux de récidive est par conséquent plus faible avec l’ESD par rapport à l’EMR. Nous sommes également capables, grâce aux évolutions du matériel endoscopique et du matériel disposable, dédicacé à la mise en place de ces techniques, de traiter la complication principale de nos gestes comme la perforation.

L’analyse rigoureuse des pièces réséquées en bloc permet de déterminer la profondeur de l’envahissement tumoral et le caractère radical de l’exérèse. Cela revêt une importance capitale dans le domaine de l’oncologie, car en fonction de cette analyse anatomopathologique, nous évaluerons le caractère curatif des résections, et si ce n’est pas le cas, un traitement complémentaire pourra être décidé. L’évolution des méthodes de résection endoscopique nous autorise à traiter des cancers localisés aux couches superficielles de la paroi digestive mais aussi de larges surfaces de muqueuse à risque de cancer.

Le spécimen frais est délicatement étiré et épinglé sur un support plan et orienté. Les tranches de section latérales et profondes sont encrées, le spécimen est débité parallèlement à son grand-axe en tranches de 2 mm d’épaisseur. Ces tranches sont incluses afin d’être préparées pour l’examen microscopique.

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Conclusion
L’évolution technologique des endoscopes nous permet d’effectuer une évaluation endoscopique précise des lésions superficielles avant résection. La dissection sous-muqueuse nous permet de réséquer des lésions autrefois inaccessibles par voie endoscopique La profondeur d’invasion de la lésion est l’élément déterminant principal de la resécabilité de la lésion. La résection «en bloc» par ESD permet une analyse anatomopathologique plus fiable et un taux de récidive plus faible que lors d’une résection par EMR (à l’anse). L’examen anatomopathologique spécifique des lésions réséquées nous permettent de guider une prise en charge optimale du patient. Les résultats de la résection muqueuse endoscopique des lésions superficielles sont comparables au traitement chirurgical avec une moindre morbidité. L’endoscopie interventionnelle est en plein essor et nous invite à modifier notre approche thérapeutique.

 

Dr Sébastien Debroux, gastro-entérologue, CHIREC-site Delta
Dr Alain Vandermeeren chef du service de gastro-entérologie, CHIREC-site Delta