Hépatite chronique C : des avancées diagnostiques à la révolution thérapeutique actuelle

L’hépatite chronique C (figure 1) est un problème de santé publique mondial avec entre 130-200 millions de personnes estimées être atteintes du virus de l’hépatite C (HCV) dans le monde.

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En Europe, la prévalence varie de 0,5 à 3% et en Belgique entre 50-10.0000 personnes sont estimées être atteintes (0,5-1% population) du virus HCV (1) (Figure 2).

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C’est une des principales causes d’hépatopathie chronique, de cirrhose et la première cause de carcinome hépatocellulaire et de transplantation hépatique aux USA et en Europe (2) (figure 3).

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La transmission du virus se fait essentiellement par voie sanguine et le patient est très souvent asymptomatique ou présente des symptômes atypiques de fatigue ce qui explique qu’on estime que 50% de la population mondiale atteinte de HCV ne serait pas diagnostiquée. Un effort important de dépistage doit être réalisé compte tenu des avancées thérapeutiques décrites ci-dessous.

La réalisation systématique d’une sérologie HCV, puis d’une PCR HCV qualitative en cas de positivité de la sérologie HCV, est nécessaire en cas de facteurs de risques.

Avant 1990, environ 70% des contaminations étaient liées à une transfusion de sang, à du matériel d’injections contaminé ou à l’utilisation de drogues intraveineuses. Actuellement, depuis le dépistage systématique des tests HCV, il s’agit essentiellement de contaminations liées à l’utilisation des drogues IV ou intra-nasales mais aussi à des procédures médico-chirurgicales sans désinfection adéquate.

Jusqu’à 2005-2006, la réalisation d’une ponction biopsie hépatique était nécessaire pour évaluer d’une part le degré d’activité du virus dans le foie mais surtout le degré de fibrose et le risque de cirrhose avec ses complications. Cela permettait d’évaluer l’utilité d’un traitement. Depuis lors, les tests non invasifs d’évaluation de la fibrose (biologique comme le FIBROTEST, FIB4…) et (surtout radiologique comme l’élastométrie-FIBROSCAN) se sont généralisés et sont devenus incontournables dans l’évaluation de la fibrose et la décision de traiter le patient (figures 4 et 5).

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La première étude belge, réalisée au sein du Chirec (centre coordinateur) évaluant l’intérêt de l’élastométrie par FIBROSCAN, présentée en 2007 avait montré une très bonne prédiction des stades de fibroses avancées F3 et de cirrhose F4 avec des excellentes concordances avec l’histologie (AROC de 0,87 et 0,93 respectivement) (3).

La révolution actuelle dans la prise en charge de l’hépatite chronique C concerne le traitement. De 1990 à 1998, les patients étaient traités par interferon standard (3 injections par semaine) avec des chances d’éradication du virus de 10%. L’ajout de la ribavirine dans les années 1998 puis l’association interferon Pegylé + ribavirine en 2001 ont permis d’améliorer les chances de guérison à 40-50%, comme démontré dans la plus large étude publiée en Belgique dans le traitement de l’hépatite C (4).

En 2011, sont apparus les premiers antiviraux oraux (antiprotéases-Boceprevir et Telaprevir) donnés uniquement en association avec des taux de guérison d’environ 75% mais au prix d’effets secondaires importants (anémie, lésions cutanées, dépression,…) rendant le traitement pénible pour les patients.

Depuis le 1e janvier 2015, de nouveaux traitements « interféron free », très coûteux mais très bien tolérés (sans les effets secondaire de l’interféron) sont non seulement disponibles mais également remboursés en Belgique en cas de fibrose sévère (F3 en Métavir) ou de cirrhose (F4) diagnostiquée sur base d’une biopsie hépatique ou de 2 tests non invasifs d’évaluation de la fibrose (biologique et radiologique comme par exemple le Fibrotest et le Fibroscan). Le premier traitement oral sans interféron donnait des chances d’éradication du virus de l’ordre de 80 à 90 % selon le génotype, des facteurs de non réponse, comme par exemple à la non-réponse de traitements antérieurs…

Actuellement, d’autres associations d’antiviraux « Interféron free » combinant des actions antivirales complémentaires sur la production et la multiplication des protéines de synthèse du virus (anti NS5 A et anti NS5B ou anti-protéase) sont disponibles en Belgique et remboursées selon les mêmes critères permettant d’éradiquer le virus chez plus de 95% des patients même chez les patients « difficiles » à traiter comme les patients cirrhotiques avancés avec non réponse aux traitements antérieurs (Figures 6 et 7). Ces associations antivirales sont l’association Sofosbuvir+ Daclatasvir 12 semaines ou « régime 3D » 12 semaines (ombitasvir/paritaprevir/ritonavir)+/- Dasabuvir.

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L’efficacité de ces traitements est non seulement remarquable et la tolérance des traitements beaucoup plus courts (12 semaines) est excellente.

Cette grande efficacité est associée à une diminution significative du risque de complications et de décès. Une méta-analyse récente (34.563 patients) a confirmé d’ailleurs que la réponse virologique soutenue réduisait les risques de décès de 60-80%, le risque de carcinome hépato-cellulaire de 14% à 5% à 5 ans pour les cirrhotiques et celui de transplantation hépatique de 7 à 0,2% (5).

Cette révolution thérapeutique, avec l’arrivée d’autres associations antivirales « interféron free » plus efficaces encore dans certains sous-groupes de patients, permet donc d’éradiquer le virus chez quasi tous les patients, même pour les patients les plus sévèrement atteints et de diminuer drastiquement le risque et l’incidence future des complications potentiellement mortelles.

Une étude belge récente a montré qu’un plan d’éradication de l’hépatite C était non seulement efficace mais économique à moyen terme compte tenu des coûts des complications. Cette étude, parmi d’autres, devrait inciter nos politiques à étendre le remboursement de ces médicaments à des stades de fibrose moins avancés et les firmes pharmaceutiques à diminuer leurs coûts.

En conclusion, les progrès médicaux dans l’hépatite C ont permis:

– L’évaluation précise non invasive de la fibrose permettant l’accès aux traitements éradicateurs.
– Une percée thérapeutique inégalée dans l’histoire de la médecine surtout pour un problème de santé publique permettant des taux de guérison proche de 100% et d’éradiquer le virus de l’hépatite C, une des causes principales d’hépatopathie et de ses complications.

Références :
1)      Esteban J, et al. Journal of Hepatology 2008;48:148-162.
2)      Kim W. Hepatology 2002; 36: S30.
3)      Langlet Ph et al. Oral presentation, Belgian Week of Gastroenterology. Acta Gastroenterol Belg 2007 ; 70 : A27 et J Hepatol 2007.
4)      Langlet P et al. Aliment Pharmacol Ther. 2009 Aug 15;30(4):352-63.
5)      Hill AM et al. Hepatology 2014;60 (suppl) : 44 A.

Dr Philippe Langlet, Hépatologie et Gastro-entérologie, Sites Cavell et Parc Léopold