Mieux comprendre la dialyse à domicile

Lors de la Journée Mondiale du Rein, le 9 mars 2023, le Chirec organisera à Braine-l’Alleud une réunion scientifique avec témoignage de patients, à l’intention des généralistes et des responsables de MRS. Le thème sera la dialyse à domicile.

Nous avons rencontré le Dr Marie-Carmen Muniz, néphrologue à l’hôpital de Braine-l’Alleud, et Madame Véronique De Wolf, infirmière cheffe en dialyse. «Depuis 2016», nous disent-elles, «les centres de dialyse sont obligés par l’INAMI d’avoir au moins 40% de leurs patients en dialyse alternative, entre autre pour réduire les coûts.» Trois modalités en dialyse alternative existent: la dialyse péritonéale (DP), l’hémodialyse (HD) à domicile  et l’hémodialyse (HD) en autodialyse. Dans le premier cas, c’est le péritoine qui sert de filtre. Dans la DP «manuelle» ou «continue ambulatoire» le patient remplace régulièrement la poche de dialysat. Dans la «DP automatisée», le renouvellement du liquide dans le péritoine est fait par une machine. En HD, le filtre est dans une machine qui mobilise et filtre le sang. Grâce aux importants progrès réalisés depuis leur invention, on peut les appliquer à domicile avec efficacité et sécurité. En Belgique francophone, environ 1000 patients par an débutent un traitement de suppléance de l’insuffisance rénale (10% sous DP, 85% sous HD et 5% ont une transplantation). Au CHIREC, en 2022, on a réalisé près de 17.000 séances de dialyse, dont 60% en alternative.

De bonnes raisons mais rester prudent
Les raisons de proposer la dialyse à domicile sont multiples. La population vieillit et se déplace plus difficilement. Une partie des patients résident en MRS. On manque de personnel hospitalier et le nombre de postes de dialyse disponibles est limité. A l’hôpital, une tranche horaire fixe est imposée, ce n’est pas le cas à domicile. Les coûts à domicile sont moindres qu’à l’hôpital.

Pour évaluer la possibilité d’une dialyse à domicile, il faut prendre en compte les aspects médicaux et psychosociaux (tableau I). La visite préalable au domicile du patient est importante. La technique et le matériel doivent être adaptés au patient mais, in fine, c’est un choix personnel du patient et de son entourage.

Tableau I
Faisabilité d’une dialyse péritonéale
Facteurs médicaux
– Problème d’accès vasculaire
– Insuffisance cardiaque sévère
– Hémodialyse mal supportée

Facteurs psychosociaux
– Centre de dialyse éloigné du domicile
– Choix du patient
– Besoin exprimé d’autonomie, d’autocontrôle, d’indépendance
– Qualité de l’entourage vs isolement
– Crainte des ponctions
– Vie hyperactive, emploi du temps chargé, voyages fréquents

On sera très prudent en cas d’obésité, de problèmes de vue, d’antécédents de chirurgie abdominale (adhérences), d’hernie abdominale ou hiatale, de dépression sévère, de non-compliance, d’addiction. Il faudra être attentif à l’hygiène générale du patient et de son domicile, en cas de présence d’animaux domestiques, d’opposition franche de l’entourage, en cas d’isolement social et/ou familial. La dialyse péritonéale est contre-indiquée en cas d’infection intestinale fréquente, en cas de stomie, d’insuffisance respiratoire sévère, de malnutrition sévère, de psychose sévère et de retard mental sévère.  La non-disponibilité d’un infirmier à domicile si le patient est en perte d’autonomie est un obstacle

Les avantages de la dialyse à domicile sont nombreux (tableau II) mais il faut bien garder à l’esprit que ces procédures entraînent un certain nombre d’implications (tableau III).

Tableau II
Avantages de la dialyse à domicile

Dialyse péritonéaleHémodialyse à domicile
Préservation de la fonction rénale résiduelle.
Pas d’accès vasculaire donc pas de ponction.
Traitement continu, moins de contraintes alimentaires et de restriction hydrique. Meilleure tolérance hémodynamique.
Moins de transport.
Intimité, plus de flexibilité.
Possibilité de voyage.
Possibilité de séances courtes mais plus nombreuses ou plus longues (la nuit). Souvent meilleur contrôle de la tension artérielle.
Moins de contraintes alimentaires et de médicaments.
Plus grande flexibilité et confort de rester chez soi.
Intimité.

Tableau III
Points à considérer pour la dialyse à domicile

Dialyse péritonéaleHémodialyse à domicile
Pose d’un cathéter péritonéal. Dialyse «manuelle»: 4 échanges par jour, 7J/7.
Dialyse automatisée, cycleur en chambre 7 nuits/7.
Formation de quelques jours en centre de dialyse. Contraintes pour l’entourage.
Besoin d’espace de stockage .
Besoin d’un accès vasculaire (cathéter ou fistule).
Formation nécessaire de plusieurs semaines Contraintes pour l’entourage.
Besoin d’espace pour la machine et le stockage.
Parfois modifications mineures au réseau électrique, à la plomberie (traitement de l’eau).

S’y prendre bien à temps
Le patient et son aidant proche ou son soignant reçoivent une formation par du personnel qualifié. Cela se fait à son rythme, à l’hôpital : 3 à 5 jours pour la DP et 2 à 8 semaines pour l’HD domicile. Pour le suivi, on prévoit une consultation néphrologique ou chez l’infirmier de référence 1x/mois ou 1x/6 semaines avec prise de sang. Au CHIREC, le centre de dialyse de Braine-l’Alleud est joignable au 02/434 91 15 de 7h30 à 17h30 du lundi au samedi sur le site de Braine-l’Alleud). Un néphrologue de garde est toujours joignable.

Le patient peut être suivi à distance via des logiciels connectés et des alarmes, avec intervention rapide. Le coût de la dialyse est totalement pris en charge par l’INAMI. Le matériel disposable et la machine sont mis à la disposition du patient.

Il est souhaitable de renforcer la collaboration entre médecin généraliste et néphrologue. Un des points essentiels consiste à référer le patient à temps, dès que la filtration glomérulaire (GFR) est inférieure à 45ml/min/1,73 M2 (stade IIIB). C’est également utile en cas d’insuffisance rénale progressive. Cela permet entre autre de créer un contrat de trajet de soins entre le médecin traitant, le néphrologue et le patient. Accepté par la mutuelle, il donnera lieu au remboursement totale des consultations chez le néphrologue et des avis de la diététicienne. L’information et la préparation à la dialyse seront optimalisées à l’avance. Actuellement, seuls 43% des patients pris en dialyse sont programmés. Les autres 57% arrivent en urgence en insuffisance rénale terminale. Cela a un impact lourd sur la mortalité : 35% de décès la 1ère année en cas de référence tardive.

Pour en savoir plus sur les centres de dialyse et d’autodialyse du CHIREC

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