Un programme innovant de réhabilitation physique et respiratoire pour le patient métabolique

Le Dr Matthieu Desplan, médecin pneumologue spécialisé en réhabilitation pulmonaire et somnologue au Chirec, a comme projet de développer un service de réhabilitation du patient malade respiratoire chronique à Delta. En parallèle un projet innovant de réhabilitation du patient obèse apnéique présentant des troubles métaboliques divers (obésité viscérale, insulino-résistance, diabète, HTA) sera initié. Ce programme testé dans le cadre de la recherche clinique pourrait permettre de réduire les troubles métaboliques et comorbidités diverses, associés à l’obésité viscérale et in fine de réduire le nombre d’apnées et des symptômes associés chez ce type de patients.

On constate aujourd’hui une véritable épidémie d’obésité dans nos pays occidentaux avec comme conséquence une augmentation des pathologies qui y sont liées (diabète, HTA, maladies cardio-neuro vasculaires et même certains cancers, sans oublier l’arthrose précoce et les handicaps fonctionnels liés à l’obésité morbide). Certains pays comme les USA voient même régresser leur espérance de vie du fait de ce véritable fléau. En tant que pneumologues, nous sommes confrontés à une augmentation très nette des demandes de dépistage pour les troubles respiratoires du sommeil (apnées obstructives du sommeil, syndrome d’obésité/hypoventilation) chez des patients de plus en plus jeunes et surtout de plus en plus sédentaires. La prise en charge qualitative des patients passe par une approche pluridisciplinaire relevant d’une étroite collaboration entre les différents intervenants. L’avènement de la chirurgie bariatrique a permis de réduire de façon majeure les comorbidités liées à l’obésité et d’améliorer fortement la qualité de vie. Cependant, une bonne prise en charge efficace du problème de l’obésité doit aussi prendre en compte les causes de l’obésité qui relèvent souvent d’une sédentarité et d’une alimentation trop riche et/ou de mauvaise qualité. L’activité physique joue également un rôle essentiel par les effets bénéfiques qu’elle produit comme accélérateur du métabolisme de base, régulateur de la balance glucidique, mais aussi par son action sur la balance sympathico-vagale. Elle permet de prévenir et même de traiter le diabète de type 2 débutant, de réduire les complications cardio-neurovasculaires associées, mais aussi d’éviter certains cancers.

Durant mon clinicat en France, j’ai pu développer des projets de recherche clinique et m’intéresser aux effets de programmes d’activité physique individualisés (car l’exercice se prescrit dans son rôle thérapeutique comme un médicament) sur les dysrégulations métaboliques associées aux patients atteints d’un syndrome d’apnées/hypopnées obstructives du sommeil (SAOS). Dans ce cadre, il était proposé à des patients apnéiques modérés à sévères (IAH>15/h) présentant un syndrome métabolique et/ou une obésité, un programme d’activité physique individualisé. Celui-ci comportait 3 séances de 45 minutes de travail en endurance (à l’intensité du seuil ventilatoire)/semaine, ainsi que du renforcement musculaire et des séances d’éducation thérapeutique. Le sommeil, la somnolence objective, les troubles métaboliques (insulinoresistance, tension artérielle, masse graisseuse et oxydation des lipides à l’effort) étaient évalués avant et après réentraînement à l’effort d’une durée de 8 semaines. Les résultats confirmaient les bienfaits du réentraînement à l’effort individualisé sur l’équilibre glycémique, la graisse viscérale, la tension artérielle, la somnolence objective et sur le nombre d’apnées du sommeil (références 1 et 2).

Par ailleurs, dans un travail préliminaire, nous avons pu mettre en évidence que les troubles apnéiques du sommeil étaient responsables d’altérations de l’oxydation des lipides à l’exercice, comme si plus la pathologie apnéique était sévère plus l’oxydation des lipides à l’effort était altérée et cela indépendamment d’autres facteurs confondants (référence 3).

Dans le cadre du suivi clinique de patients apnéiques, on est témoin du cercle vicieux dans lequel ils sont piégés. Avec la prise de poids progressive on voit apparaître chez certains patients prédisposés des apnées du sommeil qui vont générer divers symptômes dont une asthénie matinale, une somnolence diurne et parfois même un véritable état dépressif contribuant à un manque de motivation. L’inertie générée par l’obésité, associée à ces symptômes, contribue à une réduction de l’activité physique et par le fait à une diminution de la dépense énergétique et à terme du métabolisme de base.

Comment rompre ce cercle vicieux ?

Généralement, les patients nous sont adressés pour le dépistage et la prise en charge de leurs apnées du sommeil. Lorsqu’elles sont symptomatiques et sévères, le traitement recommandé est le traitement par CPAP (pour Continuous Positive Airway Pressure ou pression positive continue) ou la mise en place d’une orthèse d’avancée mandibulaire. Une fois traité, le patient retrouve un sommeil de bonne qualité avec disparition de la somnolence et de l’asthénie. Il se sent dès lors plus motivé à changer son mode de vie. C’est le moment propice pour aborder le sujet. Un changement souvent souhaité mais pas initié par découragement.

En effet, pour qu’un réentraînement à l’effort présente des effets bénéfiques et soit poursuivi, le contexte doit être favorable. Il doit être adapté à chaque patient, en fonction de ses problématiques et limitations. Le traitement du SAOS est la première étape car il permet de réduire les symptômes. Généralement nous proposons un bilan pré-réentraînement par l’évaluation de la tolérance à l’effort grâce à une ergospiromètrie. Ces évaluations permettent surtout la prescription individualisée d’un véritable programme de réentraînement à l’effort. Le patient va suivre un nombre de séances d’une durée précise avec une intensité qui lui sera propre (généralement au seuil ventilatoire ou au LIPOXmax suivant les cas). Le type d’activité (marche, vélo, natation,…) tient compte des limitations fonctionnelles et du risque d’usure précoce des articulations en charge qui peut être responsable de blessures, douleurs et entrainer à nouveau une certaine démotivation. Nous insistons aussi sur l’importance de la durée des activités car le travail en endurance présente des effets bien plus bénéfiques sur le métabolisme avec un risque moins élevé de blessures.

 Fig2 

En conclusion, ces programmes permettent au patient de s’approprier son traitement et change la représentation que le patient a de son image corporelle lui donnant une vision bien plus positive et l’encourageant à poursuivre dans la même voie. De surcroît, l’augmentation de la dépense énergétique et du métabolisme de base que génère le réentraînement à l’effort, va permettre de réduire l’adiposité viscérale et les altérations métaboliques associées (insulinorésistance, tension artérielle, oxydation des lipides,…) et de réduire de la sévérité de la pathologie apnéique.

Nous proposons déjà systématiquement aux patients qui ont suivi ces programmes une évaluation des facteurs obstructifs ORL, ainsi que de l’obésité, responsables des apnées du sommeil, en vue à terme de les désappareiller, ce qui leur procurerait un plus grand confort.

Dr Matthieu Desplan, médecin pneumologue spécialisé en réhabilitation pulmonaire et somnologue, Chirec

Références

  1. Desplan M, Dauvilliers Y, Mercier J, Ninot G, Prefaut C. A comprehensive rehabilitation program improves disease severity in patients with obstructive sleep apnea syndrome: a pilot randomized controlled study. Sleep Med (2014), doi: 10.1016/j.sleep.2013.09.023
  2. Thèse de Doctorat, école Doctorale CBS2 (Sciences chimiques et Biologiques pour la Santé) Montpellier « Impact du réentrainement à l’effort individualisé dans le d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil et le syndrome métabolique«